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Documentation PostgreSQL 17.2 » Langage SQL » Recherche plein texte » Introduction

12.1. Introduction #

La recherche plein texte (ou plus simplement la recherche de texte) permet de sélectionner des documents en langage naturel qui satisfont une requête et, en option, de les trier par intérêt suivant cette requête. Le type le plus fréquent de recherche concerne la récupération de tous les documents contenant les termes de recherche indiqués et de les renvoyer dans un ordre dépendant de leur similarité par rapport à la requête. Les notions de requête et de similarité peuvent beaucoup varier et dépendent de l'application réelle. La recherche la plus simple considère une requête comme un ensemble de mots et la similarité comme la fréquence des mots de la requête dans le document.

Les opérateurs de recherche plein texte existent depuis longtemps dans les bases de données. PostgreSQL dispose des opérateurs ~, ~*, LIKE et ILIKE pour les types de données texte, mais il lui manque un grand nombre de propriétés essentielles requises par les systèmes d'information modernes :

  • Aucun support linguistique, même pour l'anglais. Les expressions rationnelles ne sont pas suffisantes, car elles ne peuvent pas gérer facilement les mots dérivés, par exemple satisfait et satisfaire. Vous pouvez laisser passer des documents qui contiennent satisfait bien que vous souhaitiez quand même les trouver avec une recherche sur satisfaire. Il est possible d'utiliser OR pour rechercher plusieurs formes dérivées, mais cela devient complexe et augmente le risque d'erreur (certains mots peuvent avoir des centaines de variantes).

  • Ils ne fournissent aucun classement (score) des résultats de la recherche, ce qui les rend inefficaces quand des centaines de documents correspondants sont trouvés.

  • Ils ont tendance à être lents, car les index sont peu supportés, donc ils doivent traiter tous les documents à chaque recherche.

L'indexage pour la recherche plein texte permet au document d'être prétraité et qu'un index de ce prétraitement soit sauvegardé pour une recherche ultérieure plus rapide. Le prétraitement inclut :

  • Analyse des documents en jetons. Il est utile d'identifier les différentes classes de jetons, c'est-à-dire nombres, mots, mots complexes, adresses email, pour qu'ils puissent être traités différemment. En principe, les classes de jetons dépendent de l'application, mais, dans la plupart des cas, utiliser un ensemble prédéfini de classes est adéquat. PostgreSQL utilise un analyseur pour réaliser cette étape. Un analyseur standard est fourni, mais des analyseurs personnalisés peuvent être écrits pour des besoins spécifiques.

  • Conversion des jetons en lexèmes. Un lexème est une chaîne, identique à un jeton, mais elle a été normalisée pour que différentes formes du même mot soient découvertes. Par exemple, la normalisation inclut pratiquement toujours le remplacement des majuscules par des minuscules, ainsi que la suppression des suffixes (comme s ou es en anglais). Ceci permet aux recherches de trouver les variantes du même mot, sans avoir besoin de saisir toutes les variantes possibles. De plus, cette étape élimine typiquement les termes courants, qui sont des mots si courants qu'il est inutile de les rechercher. Donc, les jetons sont des fragments bruts du document alors que les lexèmes sont des mots supposés utiles pour l'indexage et la recherche. PostgreSQL utilise des dictionnaires pour réaliser cette étape. Différents dictionnaires standards sont fournis et des dictionnaires personnalisés peuvent être créés pour des besoins spécifiques.

  • Stockage des documents prétraités pour optimiser la recherche . Chaque document peut être représenté comme un tableau trié de lexèmes normalisés. Avec ces lexèmes, il est souvent souhaitable de stocker des informations de position à utiliser pour obtenir un score de proximité, pour qu'un document qui contient une région plus « dense » des mots de la requête se voit affecter un score plus important qu'un document qui en a moins.

Les dictionnaires autorisent un contrôle fin de la normalisation des jetons. Avec des dictionnaires appropriés, vous pouvez :

  • Définir les termes courants qui ne doivent pas être indexés.

  • Établir une liste des synonymes pour un simple mot en utilisant Ispell.

  • Établir une correspondance entre des phrases et un simple mot en utilisant un thésaurus.

  • Établir une correspondance entre différentes variations d'un mot et une forme canonique en utilisant un dictionnaire Ispell.

  • Établir une correspondance entre différentes variations d'un mot et une forme canonique en utilisant les règles du « stemmer » Snowball.

Un type de données tsvector est fourni pour stocker les documents prétraités, avec un type tsquery pour représenter les requêtes traitées (Section 8.11). Il existe beaucoup de fonctions et d'opérateurs disponibles pour ces types de données (Section 9.13), le plus important étant l'opérateur de correspondance @@, dont nous parlons dans la Section 12.1.2. Les recherches plein texte peuvent être accélérées en utilisant des index (Section 12.9).

12.1.1. Qu'est-ce qu'un document ? #

Un document est l'unité de recherche dans un système de recherche plein texte, par exemple un article de magazine ou un message email. Le moteur de recherche plein texte doit être capable d'analyser des documents et de stocker les associations de lexèmes (mots-clés) avec les documents parents. Ensuite, ces associations seront utilisées pour rechercher les documents contenant des mots de la requête.

Pour les recherches dans PostgreSQL, un document est habituellement un champ texte à l'intérieur d'une ligne d'une table de la base ou une combinaison (concaténation) de champs, parfois stockés dans différentes tables ou obtenus dynamiquement. En d'autres termes, un document peut être construit à partir de différentes parties pour l'indexage et il peut ne pas être stocké quelque part. Par exemple :

SELECT titre || ' ' ||  auteur || ' ' ||  resume || ' ' || corps AS document
FROM messages
WHERE mid = 12;

SELECT m.titre || ' ' || m.auteur || ' ' || m.resume || ' ' || d.corps AS document
FROM messages m, docs d
WHERE m.mid = did AND mid = 12;
    

Note

En fait, dans ces exemples de requêtes, coalesce devrait être utilisée pour empêcher un résultat NULL pour le document entier à cause d'une seule colonne NULL.

Une autre possibilité est de stocker les documents dans de simples fichiers texte du système de fichiers. Dans ce cas, la base est utilisée pour stocker l'index de recherche plein texte et pour exécuter les recherches, et un identifiant unique est utilisé pour retrouver le document sur le système de fichiers. Néanmoins, retrouver les fichiers en dehors de la base demande les droits d'un superutilisateur ou le support de fonctions spéciales, donc c'est habituellement moins facile que de conserver les données dans PostgreSQL. De plus, tout conserver dans la base permet un accès simple aux métadonnées du document pour aider l'indexage et l'affichage.

Dans le but de la recherche plein texte, chaque document doit être réduit au format de prétraitement, tsvector. La recherche et le calcul du score sont réalisés entièrement à partir de la représentation tsvector d'un document -- le texte original n'a besoin d'être retrouvé que lorsque le document a été sélectionné pour être montré à l'utilisateur. Nous utilisons souvent tsvector pour le document, mais, bien sûr, il ne s'agit que d'une représentation compacte du document complet.

12.1.2. Correspondance de base d'un texte #

La recherche plein texte dans PostgreSQL est basée sur l'opérateur de correspondance @@, qui renvoie true si un tsvector (document) correspond à un tsquery (requête). Peu importe le type de données indiqué en premier :

SELECT 'a fat cat sat on a mat and ate a fat rat'::tsvector @@ 'cat & rat'::tsquery;
 ?column?
----------
 t

SELECT 'fat & cow'::tsquery @@ 'a fat cat sat on a mat and ate a fat rat'::tsvector;
 ?column?
----------
 f
    

Comme le suggère l'exemple ci-dessus, un tsquery n'est pas un simple texte brut, pas plus qu'un tsvector ne l'est. Un tsquery contient des termes de recherche qui doivent déjà être des lexèmes normalisés, et peut combiner plusieurs termes en utilisant les opérateurs AND, OR, NOT et FOLLOWED BY. (Pour les détails sur la syntaxe, voir la Section 8.11.2.) Les fonctions to_tsquery, plainto_tsquery et phraseto_tsquery sont utiles pour convertir un texte écrit par un utilisateur dans un tsquery correct, principalement en normalisant les mots apparaissant dans le texte. De façon similaire, to_tsvector est utilisée pour analyser et normaliser un document. Donc, en pratique, une correspondance de recherche ressemblerait plutôt à ceci :

SELECT to_tsvector('fat cats ate fat rats') @@ to_tsquery('fat & rat');
 ?column?
----------
 t
    

Observez que cette correspondance ne réussit pas si elle est écrite ainsi :

SELECT 'fat cats ate fat rats'::tsvector @@ to_tsquery('fat & rat');
 ?column?
----------
 f
    

car ici, aucune normalisation du mot rats n'interviendra. Les éléments d'un tsvector sont des lexèmes, qui sont supposés déjà normalisés, donc rats ne correspond pas à rat.

L'opérateur @@ supporte aussi une entrée de type text, permettant l'oubli de conversions explicites de text vers tsvector ou tsquery dans les cas simples. Les variantes disponibles sont :

tsvector @@ tsquery
tsquery  @@ tsvector
text @@ tsquery
text @@ text
    

Nous avons déjà vu les deux premières. La forme text @@ tsquery est équivalente à to_tsvector(x) @@ y. La forme text @@ text est équivalente à to_tsvector(x) @@ plainto_tsquery(y).

Dans un tsquery, l'opérateur & (AND) spécifie que ses deux arguments doivent être présents dans le document pour qu'il y ait correspondance. De même, l'opérateur | (OR) spécifie qu'au moins un de ses arguments doit être présent dans le document, alors que l'opérateur ! (NOT) spécifie que son argument ne doit pas être présent pour qu'il y ait une correspondance. Par exemple, la requête fat & ! rat correspond aux documents contenant fat, mais pas rat.

Chercher des phrases est possible à l'aide de l'opérateur <-> (FOLLOWED BY) tsquery, qui établit la correspondance seulement si tous ses arguments sont adjacents et dans l'ordre indiqué. Par exemple :

SELECT to_tsvector('fatal error') @@ to_tsquery('fatal <-> error');
 ?column?
----------
 t

SELECT to_tsvector('error is not fatal') @@ to_tsquery('fatal <-> error');
 ?column?
----------
 f
    

Il existe une version plus générale de l'opérateur FOLLOWED BY qui s'écrit <N>, où N est un entier représentant la différence entre les positions des lexèmes correspondants. L'opérateur <1> est identique à <->, tandis que l'opérateur <2> n'établit la correspondance que si exactement un lexème différent apparaît entre les deux lexèmes en argument, et ainsi de suite. La fonction phraseto_tsquery exploite cet opérateur pour construire un tsquery permettant de reconnaître une phrase quand certains des mots sont des termes courants. Par exemple :

SELECT phraseto_tsquery('cats ate rats');
       phraseto_tsquery
-------------------------------
 'cat' <-> 'ate' <-> 'rat'

SELECT phraseto_tsquery('the cats ate the rats');
       phraseto_tsquery
-------------------------------
 'cat' <-> 'ate' <2> 'rat'
    

Un cas particulier potentiellement utile est <0> qui peut être utilisé pour vérifier que deux motifs correspondent à un même mot.

On peut utiliser des parenthèses pour contrôler l'imbrication des opérateurs tsquery. En l'absence de parenthèses, l'opérateur | a une priorité moindre que &, puis <->, et finalement !.

Il est important de noter que les opérateurs AND/OR/NOT ont une signification légèrement différente quand ils sont les arguments d'un opérateur FOLLOWED BY que quand ils ne le sont pas. La raison en est que, dans un FOLLOWED BY, la position exacte de la correspondance a une importance. Par exemple, habituellement, !x ne fait une correspondance qu'avec les documents qui ne contiennent pas x quelque part. Mais !x <-> y correspond à y s'il n'est pas immédiatement après un x ; un occurrence de x quelque part dans le document n'empêche pas une correspondance. Un autre exemple est que x & y nécessite seulement que x et y apparaissent quelque part dans le document, mais (x & y) <-> z nécessite que x et y réalisent une correspondance immédiatement avant un z. De ce fait, cette requête se comporte différemment de x <-> z & y <-> z, qui correspondra à un document contenant deux séquences séparées x z et y z. (Cette requête spécifique est inutile quand elle est écrite ainsi, car x et y ne peuvent pas être exactement à la même place ; mais avec des situations plus complexes comme les motifs de correspondance avec préfixe, une requête de cette forme pourrait être utile.)

12.1.3. Configurations #

Les exemples ci-dessus ne sont que des exemples simples de recherche plein texte. Comme mentionné précédemment, la recherche plein texte permet de faire beaucoup plus : ignorer l'indexation de certains mots (termes courants), traiter les synonymes et utiliser une analyse sophistiquée, c'est-à-dire une analyse basée sur plus qu'un espace blanc. Ces fonctionnalités sont contrôlées par les configurations de recherche plein texte. PostgreSQL arrive avec des configurations prédéfinies pour de nombreux langages et vous pouvez facilement créer vos propres configurations (la commande \dF de psql affiche toutes les configurations disponibles).

Lors de l'installation, une configuration appropriée est sélectionnée et default_text_search_config est configuré dans postgresql.conf pour qu'elle soit utilisée par défaut. Si vous utilisez la même configuration de recherche plein texte pour le cluster entier, vous pouvez utiliser la valeur de postgresql.conf. Pour utiliser différentes configurations dans le cluster, mais avec la même configuration pour une base, utilisez ALTER DATABASE ... SET. Sinon, vous pouvez configurer default_text_search_config dans chaque session.

Chaque fonction de recherche plein texte qui dépend d'une configuration a un argument regconfig en option, pour que la configuration utilisée puisse être précisée explicitement. default_text_search_config est seulement utilisé quand cet argument est omis.

Pour rendre plus facile la construction de configurations de recherche plein texte, une configuration est construite à partir d'objets de la base de données. La recherche plein texte de PostgreSQL fournit quatre types d'objets relatifs à la configuration :

  • Les analyseurs de recherche plein texte cassent les documents en jetons et classifient chaque jeton (par exemple, un mot ou un nombre).

  • Les dictionnaires de recherche plein texte convertissent les jetons en une forme normalisée et rejettent les termes courants.

  • Les modèles de recherche plein texte fournissent les fonctions nécessaires aux dictionnaires. (Un dictionnaire spécifie uniquement un modèle et un ensemble de paramètres pour ce modèle.)

  • Les configurations de recherche plein texte sélectionnent un analyseur et un ensemble de dictionnaires à utiliser pour normaliser les jetons produits par l'analyseur.

Les analyseurs de recherche plein texte et les modèles sont construits à partir de fonctions bas niveau écrites en C ; du coup, le développement de nouveaux analyseurs ou modèles nécessite des connaissances en langage C, et les droits superutilisateur pour les installer dans une base de données. (Il y a des exemples d'analyseurs et de modèles en addon dans la partie contrib/ de la distribution PostgreSQL.) Comme les dictionnaires et les configurations utilisent des paramètres et se connectent aux analyseurs et modèles, aucun droit spécial n'est nécessaire pour créer un nouveau dictionnaire ou une nouvelle configuration. Les exemples personnalisés de création de dictionnaires et de configurations seront présentés plus tard dans ce chapitre.